Ce qu’il y a dans notre assiette ne se résume pas à des choix personnels ou à des préférences culinaires. Selon une vaste étude, notre alimentation est aussi le reflet de notre niveau de vie, de notre région d’habitation… voire de nos contraintes économiques.
Alimentation : une affaire de budget avant tout
On croit souvent que tout le monde mange à peu près la même chose. Mais quand on regarde les chiffres de près, la réalité est bien différente. L’Insee, en collaboration avec le ministère de l’Agriculture, a analysé l’évolution de la consommation alimentaire en France entre 2009 et 2019. Premier constat : si les grands postes de dépense n’ont pas radicalement changé, certaines tendances lourdes apparaissent selon les niveaux de revenus.
Par exemple, les ménages les plus modestes dépensent proportionnellement plus pour les pains et céréales, alors que les foyers aisés privilégient davantage fruits, légumes et produits aquatiques. Dit autrement : les premiers mangent plus de baguettes et de gâteaux, les seconds plus d’avocats et de poissons.
Pâtisseries en hausse, fruits en baisse
Du côté des foyers modestes, la consommation de pains et de céréales a grimpé en flèche. +41 % pour le pain, +60 % pour les pâtisseries industrielles en dix ans. En parallèle, la part de leur budget consacrée aux fruits frais tempérés (comme les poires, pommes ou fraises) a baissé de 21 %. Un décalage qui illustre comment les produits frais – souvent plus chers – deviennent moins accessibles à certaines couches de la population.
À l’inverse, les ménages les plus aisés ont augmenté de 38 % leur consommation de fruits exotiques, et de 16 % celle des agrumes. Une alimentation plus variée, plus colorée… et plus chère.
Viande, alcool, boissons : chacun son profil
Même tendance pour la viande : la consommation recule partout, mais de façon plus marquée chez les foyers les moins riches. Moins de viande de boucherie dans tous les foyers (-17 % en moyenne), mais la baisse est encore plus importante chez les plus modestes (-23 %). Quant aux boissons alcoolisées, elles pèsent plus lourd dans le budget des ménages aisés (9 %) que dans celui des foyers modestes (6 %), mais les quantités consommées varient aussi selon le type de boisson : baisse de vin chez les uns, hausse de bière chez les autres.
Autre exemple frappant : les boissons chaudes (café, thé) sont beaucoup plus présentes dans les dépenses des ménages aisés, qui y consacrent 30 % de plus que la moyenne. Les jus de fruits et eaux minérales aussi. À l’inverse, les foyers modestes consomment davantage de boissons sucrées sans alcool.
Des différences marquées selon les régions
Et si l’argent a son mot à dire, la géographie joue aussi un rôle majeur. En Bretagne, on ne rigole pas avec le beurre : près de 8 kg achetés par ménage chaque année. Dans le Sud, ce sont les huiles qui dominent, avec près de 9 litres par an. Le Nord, quant à lui, reste fidèle à la bière, avec 37 litres consommés en moyenne par ménage, mais c’est dans le Sud-Ouest que la consommation progresse le plus (+61 %).
Pour les fruits et légumes, les habitants du Centre-Est donnent l’exemple avec +10 % de volume acheté. Le Nord, en revanche, affiche un recul sur les légumes frais (-6 %) et les fruits frais (-2 %), mais reste champion toutes catégories pour la pomme de terre, avec 46 kg par ménage.
Une alimentation révélatrice… et inégalitaire
Ce que l’on consomme ne trahit pas seulement nos goûts. Cela raconte aussi nos moyens financiers, notre environnement social et notre rapport à la santé. La tendance à acheter des produits transformés, moins chers mais souvent moins équilibrés, s’accentue dans les foyers les plus vulnérables. À l’inverse, l’accès à une alimentation variée, fraîche et saine demeure un privilège pour les plus fortunés.
Et si le contenu de notre frigo valait finalement autant qu’un bulletin de salaire pour deviner d’où l’on vient ?

Nils Franco est rédacteur web spécialisé dans l’univers du vin et de la cuisine œnologique. Grand passionné de terroirs, de cépages et d’accords mets-vins, il partage à travers ses articles une vision sensorielle et généreuse de la gastronomie. Son expertise couvre aussi bien la dégustation que l’art de cuisiner avec le vin, des sauces traditionnelles aux créations contemporaines infusées de tanins et de finesse aromatique.







